Environnement
Coltan du Congo
Un minerai indispensable à l’industrie électronique serait la cause d'un désastre humanitaire en République Démocratique du Congo. Nos GSM auraient-il un arrière-goût de sang africain ?
Pertinence
Un message, qui circule sur la toile accompagné d'un diaporama, prétend nous alerter contre une catastrophe écologique et humanitaire en cours en République Démocratique du Congo. D'après celui-ci, le coltan, entrant dans la fabrication de nos appareils électroniques modernes (GSM, GPS, Netbooks et autres tablettes), serait la cause de guerres, de l'exploitation d'êtres d'humains et de massacres de primates et autres pachydermes. Le consumérisme occidental accentuerait cette crise en finançant les armées locales pour extraire toujours plus de coltan.
Quel est donc ce minerai ?
Le coltan, abréviation de colombo-tantalite, est un minerai qui associe deux métaux : le colombium, ou nobium, et le tantale. C'est ce dernier qui rend le coltan aussi important. Le tantale sert à fabriquer des pièces d’avion, des fusées, des outils de précision, mais surtout des condensateurs pour les ordinateurs et les téléphones portables. Selon les estimations, le secteur de l’électronique monopolise ainsi 60 à 80% du marché du tantale.
Ce métal a connu des variations importantes de son cours. Notamment une très forte augmentation en 2001 et bien que son cours soit redescendu, la demande constante et le caractère stratégique de son utilisation rendent son exploitation plus rentable que l'or. Les ressources mondiales (voir carte ci-dessous) sont reparties sur de nombreux pays (Australie, Brésil, Chine, Canada, RDC...).
Actuellement, la majorité du tantale utilisé est extrait d'Australie et du Brésil mais pas du Congo. Comme on peut le voir sur le tableau ci-dessous les réserves sont réparties sur l'ensemble du globe et non pas concentrées au Congo.
Sur ces explications techniques, le diaporama est assez juste. Un seul bémol : la part des réserves et des exportations de coltan de la RDC. Bien qu'elles sont estimées conséquentes, elles ne sont pas aussi importantes que le diaporama l'annonce. Il est plus affirmatif et optimiste qu'il ne le devrait sur ce point. Il occulte sciemment les données officielles au profit de sources officieuses forcément partisanes.
Une exploitation criminelle ?
L'extraction du Coltan s'effectue sur des mines à ciel ouvert ou dans des mines souterraines. Elle peut se faire selon un mode industriel, mécanisé et plutôt sécurisé, ou sur un modèle plus artisanal. Dans ce cas la méthode ressemble à celle des chercheurs d'or de la grande époque du Far West (pelle, pioche et bâtée).
C'est ainsi qu'est extraite la grande majorité du coltan congolais. Ces exploitations, autant sauvages qu'artisanales, ne sont régies par aucune norme de sécurité digne de ce nom. Les accidents sont malheureusement légions et les enfants sont souvent les premières victimes (2 millions d'enfant tués dans des accidents en 10 ans).
L'argent étant souvent le nerf de la guerre, les conflits locaux qui durent depuis plus de 20 ans se sont naturellement nourris de ces ressources. Ainsi un rapport des Nations Unies, présenté en 2001, a dénoncé l’exportation illégale de ce minerai. Selon le rapport, les groupes armés auraient ainsi perçu une rente minière de 20 millions de dollars par mois. L’argent ainsi « rançonné » permettait d’acheter des armes, prolongeant le conflit. 3,8 millions de personnes sont mortes des conséquences du conflit entre 1996 et le début des années 2000. Au-delà, cette « guerre du coltan » a eu des conséquences environnementales et sociales désastreuses. La dégradation de l’environnent par ces exploitations met en danger l’écosystème local. Malgré tout, les gorilles et les pachydermes de la RDC n'ont pas attendu son exploitation pour être joyeusement massacrés. Les populations locales ont souvent été forcées de travailler dans des conditions plus que condamnables. Par ailleurs, l’afflux soudain d’argent a provoqué une inflation importante qui ne s’est pas résorbée avec la baisse de l’exploitation du coltan. Néanmoins, si la part mondiale du minerai congolais reste désormais marginale (5 à 10% selon les données officielles) elle demeure néanmoins suffisante pour maintenir une source confortable de revenu aux guérillas locales. Bref, l'exploitation du coltan a très largement dégradé de façon durable l’économie et l’écosystème de cette région.
On peut conclure que l'exploitation de ce minerai en RDC est plus que condamnable. Le diaporama vise plutôt juste même si on ne peut pas réduire les problèmes du Congo au seul coltan. En effet, ce genre de conflit et d'exploitation ne sont pas exclusif au coltan ni à la RDC. On parle de paradoxe des ressources. L'or et les diamants en sont les exemples les plus connus. Résumer les problèmes de la RDC au seul coltan serait extrêmement réducteur. Les facteurs de troubles sont malheureusement beaucoup plus complexes et nombreux. Si ce diaporama dénonce un problème bien réel, l'exploitation du coltan en RDC, il ne doit pas faire oublier les autres problèmes de ce pays ou ceux de la filière minérale en Afrique d'une manière plus générale.
Le monde est-il si noir ?
Fort heureusement, s'il y a bien un point où le diaporama se fourvoie c'est sur le silence des gouvernements et sur les complicités implicites de ces derniers avec les industriels. Le gouvernement français a traité le sujet de l'origine "sale" des minerais utilisés dans nos industries dans un rapport à l'assemblée nationale en janvier 2011. Le reste du monde a aussi réagi. En réaction aux protestations internationales qui ont suivi la publication du rapport de l’ONU, la plupart des industriels de la filière ont décidé de boycotter le coltan extrait en Afrique centrale. Il existe même un classement de l'éthique minérale des industriels. Dorénavant, l'origine des minéraux utilisés fait partie des critères de choix des acteurs du secteur. Les Etats-Unis ont même fait voter une loi imposant aux industriels de déclarer la provenance de leur tantale. Dans un souci de ne pas écorner leurs images, les industriels américains ont anticipé cette loi et ont réorganisé leurs filières d'approvisionnement, notamment à partir de l'Australie, avant même sa mise en application. Il faut comprendre qu'a raison de 0,05 g en moyennne par appareil, le coût de Coltan n'est pas prioritaire pour l'industrie, seul la disponibilité importe.
Dernier point erroné, le silence des médias. Une simple recherche sur le sujet avec votre moteur préféré vous remonte quasiment que des liens traitant de le RDC et de Coltan. Nous avons même retrouvé deux reportages vidéos passé sur France 3 et Canal+. Ce qui fait beaucoup pour un sujet censé être passé sous silence. Une campagne de sensibilisation à ce problème à même eu lieu. Bref l'auteur veut nous faire croire qu'il s'agit d'un complot international ce qui n'est pas le cas. Enfin, et pour finir sur une note plus légère, il est assez paradoxal de dénoncer l'utilisation de l'informatique et de demander dans le même temps son utilisation massive pour diffuser le message.
Alors, il est saignant ton nouveau portable ?
Aujourd'hui le coltan congolais ne fait plus recette, il a eu son heure de gloire au début du millénaire. L’exploitation des gisements congolais, souvent artisanale, illégale et impliquant le travail forcé, avait cassé les prix. Désormais, il est nettement moins populaire. La vie des mineurs congolais ne s'est certainement pas améliorée, d'ailleurs le collectifs des Anonymous a récemment lancé une opération le dénonçant. Cependant le tantale contenu dans vos gadgets électroniques ne provient pratiquement plus de gisements "sales" de la RDC. Le gouvernement congolais tente, avec difficulté, de reprendre les exploitations à son compte afin de produire un minerai "conflict-free". Il restera toujours un part de vente illégale et clandestine mais elles sont, par définitions, impossible à quantifier.
On se trouve devant une des limites du militantisme pantouflard. Une fois le message devenu quasiment obsolète, il continu sa vie sur le réseau sans réelle utilité autre que d'encombrer les BAL. Son impact sur le déroulement des conflits miniers restera somme toute négligeable. Faire suivre ce mail est donc quasiment inutile vu que le sujet est déjà traité par la communauté internationale et les industriels du secteur. Votre GSM possède bien d'autres vices et si il porte du sang ce n'est plus celui des mineurs africains mais peut être celui du geek ayant attendu sa sortie événementielle durant 24 heures avec des centaines d'autres fanboys en transe...
Pour conclure, nous pouvons dire que l'auteur, dans un souci de marquer le lecteur, force le trait, occulte ou arrange les donnés contrariantes ce qui, au final, dessert le propos pourtant fort grave. Le fond du mail est correct dans son ensemble mais n'est désormais plus vraiment d'actualité. Il traite d'un sujet réel mais les données qu'il contient sont obsolètes, voire pour certaines fausses.
Donnez nous votre avis
Déjà Abonné ? Identifiez-vous
hoaxbuster
Rédacteur Hoax
0 contribution
Top 10