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Société Médias et Techno
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Maxime Nicolle : une carte de presse dans trois mois ?

La pastille vidéo de Maxime Nicolle dans laquelle il déclare que "oui, il va avoir la carte de presse" circule à fond sur les réseaux sociaux. On fait le point sur ce petit bout de carte plastifiée.

Du vrai / du faux Du vrai / du faux
17/09/2019 Par hoaxbuster
Pertinence
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Depuis ce matin, Twitter et Facebook sont en feu autour d'un sujet qui pimente tous les échanges : "Maxime Nicolle va avoir une carte de presse". Entre ses soutiens qui le félicitent, ses détracteurs qui s'étranglent et les nuancés qui s'interrogent, difficile de passer entre les gouttes de cette polémique de micro-trottoir. La raison ? Son dernier live facebook dans lequel il répond à la question d'un abonné "est-ce que tu auras une carte de presse ?" par :

"pour avoir une carte de presse il faut travailler trois mois pour une agence de presse ou pour un média et il faut que le montant des revenus soit au minimum la moitié des revenus que j'avais avant. Donc en l'occurrence comme là je touche 500 balles et que là je vais toucher un peu plus de 1000 euros, oui je vais avoir le droit d'avoir une carte de presse trois mois après la date de mon entrée chez Quartier Général"

Cet extrait est posté sur Twitter (extrait repris et intégré ensuite sur le site de Cnews, sans vérification)

 


A t-il raison concernant les conditions d'attribution ?

  • Il faut travailler 3 mois en agence de presse ou média

Non. Il ne suffit pas de "travailler" pour une agence de presse ou un média, il faut y travailler en tant que journaliste et surtout être déclaré comme tel par l'employeur (par exemple, les administratifs, les commerciaux ou encore les techniciens n'ont pas droit à la fameuse carte de presse). 

Oui, trois mois consécutifs en tant que journaliste (ou journaliste stagiaire) suffisent pour pouvoir demander la carte de presse.

  • Le montant des revenus doit être au minimum de la moitié des revenus précédents

Bon là, la formulation employée par Maxime Nicolle est maladroite. Si on se base sur ses propos (revenus précédents : 500 euros / mois), il lui suffirait de gagner 251 euros par mois pour pouvoir demander la carte, or c'est la totalité des ressources qui est prise en compte. S'il perçoit 500 € par ailleurs, ses revenus en tant que journaliste devront être d'au minimum 501 €. Quoiqu'il en soit, comme selon lui son salaire devrait être d'un peu plus de 1000 €, ça passe large (1000 + 500 = 1500 / 2 => min 750 € de revenus doivent provenir du journalisme). Pour finir, en principe, si les 500 € ne sont pas un salaire et proviennent du RSA, alors ils n'entrent pas dans le calcul en tant que revenus autres que ceux du journalisme.

Et donc, c'est bon, il va l'avoir ?

Dans les faits, non, il ne va pas l'avoir (enfin peut-être un jour, mais pas dans trois mois) et ce, pour plusieurs raisons :

  • Quartier Général n'est pas un média

Pour pouvoir demander la carte de presse, il faut être employé pendant minimum trois mois consécutif par un "média". Le problème c'est qu'à ce jour, son employeur - Quartier Général - n'est pas un média dans le sens ou la Commission de la Carte d'Identité des Journalistes Professionnels l'entend. Conjointement à la demande par le journaliste l'employeur doit fournir son numéro d'agrément CPPAP (Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse), ce que le site web lancé par Aude Lancelin n'a pas encore. Pour l'obtenir, le média en question doit en faire la demande et donc prouver qu'il publie régulièrement des informations légitimes en lien avec l'actualité et à destination du public (donc, avoir déjà l'ancienneté permettant à la commission de pouvoir se prononcer sur la légitimité de la demande, ce qui n'est pour le moment pas le cas). D'autre part, le site web de ce média ne répond - pour le moment - pas aux exigences minimales de la commission paritaire (mentions légales pas conformes, aucun moyen de signaler un contenu illicite, non conformité RGPD, etc...).

 

  • Le demandeur doit fournir les preuves de son travail de journaliste

A ce jour, Maxime Nicolle n'ayant jamais exercé la profession de journaliste, ni même réalisé le moindre travail en lien avec une activité journalistique, il va donc lui falloir un peu de temps - et beaucoup de travail - avant de pouvoir déposer concrêtement une demande.

Dans la vraie vie, comment cela se passe pour obtenir une carte de presse ?

Pour pouvoir rédiger cet article, nous avons contacté la CCIJP qui n'a pas souhaité répondre à nos questions mais qui a insisté au passage sur le fait que l'attribution du statut de journaliste professionnel est cadré par  des conditions précises définies principalement par le code du travail et spécialement son article L.7111-3 qui en définit le statut.

Le cas Rémy Buisine

En parallèle, nous avons sollicité plusieurs journalistes professionnels (certains ont la carte de presse, d'autres non). Tous nous ont confirmé qu'obtenir cette carte n'était en aucun cas une formalité et que les questions des revenus et de la fiabilité de l'employeur étaient fondamentales. Chaque demande est évaluée et vérifiée dans les détails par la Commission et tous nous ont affirmé qu'il était vain de demander la carte de presse sans avoir monté au prélalable un dossier béton. Bien entendu, quand la demande provient d'un journaliste travaillant pour un média "historique" (i.e. Le Monde par exemple), il y a toutes les chances pour que la commission délivre la carte de presse au demandeur, mais ce n'est pas le cas pour les nouveaux entrants du type Quartier Général.

Dans le cadre de cet article, nous avons contacté Rémy Buisine (titulaire de la carte de presse depuis avril 2018) qui a accepté de nous détailler son parcours :

Rémy s'est fait connaître sur les réseaux sociaux pour sa couverture de Nuit Debout ou des manifestations contre la loi travail.

  • Grâce à Périscope (appli de live streaming sur Twitter) et alors qu'il n'a aucun statut, ni formation, ni expérience, il invente une nouvelle forme de journalisme
  • Repéré par BRUT, il en intègre la rédaction en 2016 et se voit confier de plus en plus de "live reportages" sur le terrain
  • Non titulaire de la carte de presse il ne peut se rendre sur les lieux de reportage qu'avec des lettres de mission signées au coup par coup par son rédacteur en chef
  • En avril 2018, il obtient la carte de presse.

Très présent sur les mouvement sociaux, il confie que sa carte de presse lui permet de justifier rapidement de sa présence sur place en tant que "journaliste". Avant celle-ci, il reconnait qu'il était beaucoup plus compliqué pour lui de couvrir correctement les événements. A la question, "pourquoi ne pas l'avoir demandée trois mois après ton embauche pour BRUT ?", il répond :

"Mon employeur, BRUT, n'avait pas encore de numéro CCAP. En conséquence, je ne pouvais pas la demander. D'autre part, il me fallait prouver que mon activité était bien conforme à un travail journalistique. Nous avons attendu 18 mois et, une fois que la Commission Paritaire a délivré le N° à mon employeur, j'ai pu faire la demande en joignant les différentes pièces demandées ainsi qu'une clé USB contenant l'ensemble de mes reportages pour prouver que mon travail était bien du journalisme.

J'ai de nombreux collègues précaires qui travaillent depuis des années et font un excellent boulot pour des médias indépendants n'ayant pas de N° CPPAP.

D'autres ne sont ni salariés, ni pigistes. Quand ils facturent leur travail à des rédactions, ce n'est pas considéré comme des revenus du journalisme (cas de nombreux photographes indépendants, par exemple).

La question des revenus est un point clé et c'est une vraie galère pour être dans les clous ou y rester une fois qu'on y est, surtout quand les revenus du journalisme ne permettent pas d'en vivre et qu'il faut cumuler avec un autre emploi. Chaque élément est étudié en détail par la Commission et nous devons refaire la démarche chaque année".

Conclusion :

Il y a très peu de chances que Maxime Nicolle ait une carte de presse dans trois mois. Il pourra en revanche en faire la demande auprès du CCIJP au minimum trois mois après son embauche en tant que journaliste et une fois que son employeur aura obtenu un numéro CPPAP. Si toutes les pièces du puzzle s'assemblent, ce sera alors sur la base de ses productions journalistiques réelles que la commission prendra sa décision.

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hoaxbuster
Rédacteur Hoax
mots-clés : Société - Médias et Techno
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