Anciens combattants VS jeunes décrocheurs
Le gouvernement s'attaque-t-il aux anciens combattants pour mieux cajoler les cancres ? Rien n'est moins sûr.
Un message anonyme en circulation sur Facebook essaie de nous démontrer par A + B que le gouvernement déshabille les anciens combattants pour habiller les cancres, mais dit-il la vérité ?
Les anciens combattants sont-ils vraiment spoliés ?
Un décret du 24 septembre 2013 "fixe à 20 % le montant de la majoration accordée par l'Etat des rentes mutualistes constituées par les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la nation ayant souscrit un contrat qui leur permet de percevoir une rente viagère", au lieu de 25 % auparavant.
Il s'agit là du montant de base de la majoration que l'Etat accorde aux anciens combattants bénéficiaires d'une retraite mutualiste, mais la loi prévoit d'autres taux suivant l'âge de l'ancien combattant : jusqu'à 48 % dans le nouveau système, contre 60 % dans l'ancien.
Et ce montant de base peut être divisé par deux dans certains cas prévus à l'article L222-2 du Code de la Mutualité, si bien que les majorations prévues par le nouveau système s'échelonnent de 10 % à 48 % (et non uniquement 20 % comme le dit le message) contre 12,5 % à 60 % auparavant. Par ailleurs, la majoration ne peut dépasser 1.741,25 € en 2013 (et non 1.739 € comme le dit le message).
Cela représente une réduction de 20 % des majorations (d'où sans doute la confusion de l'auteur du message), qui permettra une économie de 9,7 millions d'euros (et non 10) en 2014, d'après le Ministère du Budget.
Mais comme le rappelle la CARAC, "les organismes mutualistes en liaison avec les associations d’anciens combattants et victimes de guerre ont accepté cette mesure qui ne doit être que temporaire, en fonction notamment de l’évolution de la démographie du secteur concerné".
Le gouvernement n'est donc pas vraiment passé en force sur ce dossier, et ce changement de taux n'est pas définitif.
Les "cancres" sont-ils vraiment aidés ?
Le gouvernement, par un décret du 1er octobre 2013, a fait un geste en direction de ce que les Japonais appellent les NEET ("Not in Employment, Education or Training"), à savoir les "jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans révolus en situation de grande précarité, qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation et dont le niveau de revenus ne dépasse pas un plafond".
Il s'agit pour l'instant d'une expérimentation menée pour commencer dans seulement 10 missions locales et visant un public estimé à 10.000 personnes, pour un budget évalué à 30 millions d'euros (et non 52) en 2014.
A condition de n'être pas déjà aidé financièrement par ses parents, de ne pas dépasser un certain plafond de ressources et surtout de s'engager à suivre le parcours de professionnalisation que lui proposera la mission locale, un NEET habitant certaines zones bien définies peut désormais espérer toucher un montant mensuel de 433,75 € (que le message arrondit à 434).
Et c'est justement ces conditions qu'oublie l'auteur du message : loin d'être une prime à l'ignorance crasse, la mesure, dont l'impact sera évalué avant son éventuelle extension, vise plutôt à encourager des personnes marginalisées à suivre le parcours d'insertion qu'on leur propose.
Les anciens combattants payent-ils vraiment pour les jeunes décrocheurs ?
Non, pour une raison simple, que le rédacteur de ce billet d'humeur partisan semble ignorer : le principe d'universalité budgétaire.
Ce grand principe qui régit (entre autres) le budget de l'état français interdit aussi bien la compensation des recettes et des dépenses que l'affectation d'une recette (ou d'une économie de dépense) à une dépense déterminée (sauf cas particuliers ne jouant pas ici).
En clair, il est matériellement impossible de décréter qu'on fera des économies sur le dos des anciens combattants pour enrichir les jeunes décrocheurs.
Ce sont deux mesures totalement indépendantes l'une de l'autre, que l'auteur du message choisit pourtant de mettre en relation - on se demande bien pourquoi...
hoaxbuster
Rédacteur Hoax