Produits du terroir
La qualité française n'est plus ce qu'elle était... Info ou intox ?
Ah là là, ma bonne dame, les produits du terroir, ce n'est plus ce que c'était... C'est à peu près le discours que tient un diaporama en circulation sur le Net, et oh surprise, il s'inspire d'un dossier du très sérieux Journal du Net.
A y regarder de plus près, pourtant, force nous est de constater que le dossier a été instruit à charge, oubliant systématiquement tout ce qui pourrait tempérer ce constat alarmant.
Nous avons donc mené la contre-enquête, en nous cantonnant aux seuls produits mentionnés dans le diaporama.
CHAMPIGNONS DE PARIS
Parler de terroir dans ce cas est un peu excessif : "champignon de paris" est tout simplement le nom français de l'Agaricus bisporus ; les Anglais, eux, l'appellent "Italian mushroom" !
Et si la France est bien le quatrième producteur mondial, elle est aussi le deuxième européen, derrière les Pays-Bas.
Maintenant, si vous voulez à tout prix des champignons bien de chez nous, rien ne vous interdit de lire les étiquettes...
CHARCUTERIE CORSE
Une enquête des DDCSPP de Corse en 2010 a pris acte d'un certain flou dans le domaine : "Par le passé cette production charcutière était cantonnée à l’exploitation familiale ou dans les charcuteries de villages qui s’approvisionnaient localement en viande porcine. Le développement du tourisme a favorisé l’émergence d’entreprises semi-industrielles qui ont recours à un approvisionnement extérieur."
Alors, la situation est désespérée ? Pas si sûr. L'INAO est justement en train d'instruire des demandes pour l'établissement des labels AOC suivants : "Charcuterie de Corse", "Lonzu de Corse - Lonzu di Corsica", "Jambon sec de Corse - Prisuttu di Corsica" et "Coppa de Corse - Coppa di Corsica".
Une fois ces appellations mises en place, les choses seront claires pour le consommateur : la mention AOC sur l'étiquette signalera que le produit est 100% corse.
JAMBON D'AOSTE
Ici, on peut se demander pourquoi s'attarder sur une sombre histoire de changement de nom d'un produit industriel, alors qu'il existe des appellations IGP comme Jambon de Bayonne, qui vous garantissent que vous mangez du jambon de la région en question.
Surtout que cette histoire semble sortie tout droit de l'imagination du JDN : Felisa BUENO-BARRANCO, secrétaire de l'unité "Politique de qualité des produits agricoles" à Bruxelles, nous a informé "que la Commission n'a rendu aucune décision dans la cadre d'une procédure d'infraction visant les produits mentionnés dans votre e-mail". On chercherait en vain, du reste, une telle info sur leur site.
Nous avons donc contacté le JDN pour des précisions : ils n'ont, à ce jour, donné aucune suite à notre demande...
AOC DE BRETAGNE
Ici, le diaporama s'écarte du Journal du Net, et pas en bien.
Il commence par évoquer une AOC "Charcuterie de Bretagne" qui n'existe pas, comme tout un chacun peut s'en rendre compte en faisant une recherche sur le site de l'INAO.
Qui plus est, si une telle AOC existerait, elle imposerait forcément une origine 100% bretonne des produits concernés : c'est le principe de base d'une AOC...
Le diaporama considère aussi, curieusement, l'andouille de Vire comme un produit breton, et pas normand. Est-il besoin d'insister sur le sérieux du rédacteur anonyme de ce paragraphe ?
MOUTARDE DE DIJON
La loi prévoit que la dénomination "moutarde de Dijon" s'applique aux produits ayant suivi un certain mode de fabrication, mais n'impose en effet aucune origine aux graines utilisées. Mais le recours aux graines étrangères est-il systématique ?
Nous avons posé la question à Marc Désarménien, des moutardes Fallot, et voici sa réponse : "Nous utilisons deux origines de graines pour notre Moutarde de Dijon : Bourgogne et Canada. Par contre, pour fabriquer notre Moutarde de Bourgogne (produit certifié IGP), nous n’utilisons que des graines de Bourgogne et du vin blanc aligoté de Bourgogne."
Donc il est quand même possible de trouver de la moutarde 100% française : il suffit de choisir un produit possédant la certification IGP Moutarde de Bourgogne, en place depuis le 25/11/2009. On peut se demander pourquoi le Journal du Net comme le diaporama ont cru bon d'omettre cette information essentielle...
COUTEAU LAGUIOLE
On ne voit pas très bien ce que vient faire le célèbre couteau au milieu de toute cette mangeaille, mais bon.
Autant il serait loisible de reprocher aux industriels de nous vendre des produits du terroir français fabriqués en Chine, autant il paraît malhonnête de reprocher aux artisans de Laguiole la "contrefaçon" dont ils sont victimes, contrefaçon qui n'en est d'ailleurs pas une légalement. Comme le rappelle en effet Thierry Moisset, de la Forge de Laguiole : "le mot "Laguiole" suite à une décision de la cours d’appel en 1999 ne désigne pas (ou plus) le lieux de provenance du produit mais la forme d’un couteau. Ainsi, où que le couteau soit fabriqué, il peut s’appeler "Laguiole"".
Le Journal du Net estime que 80 % des couteaux Laguiole en circulation sont des "faux" ; Honoré Durand, de la Coutellerie de Laguiole, pense lui que "personne n’a réellement de chiffres, hormis peut-être les douanes pour ce qui concerne l’import", même s'il juge "qu’en termes quantitatifs c’est bien au-delà de cela, mais en termes financiers environ cela, mais sans arguments ni preuves." De toute façon, vu qu'il n'y a pas légalement contrefaçon, "tous ces chiffres sont faux", comme nous l'a dit Thierry Moisset.
A noter qu'il existe un moyen simple (mais coûteux ?) de régler le problème, d'après Honoré Durand : "que l’article 39 du Code des Douanes Françaises soit respecté : positionner de manière indélébile le pays de provenance de la marchandise sur le produit ; un client achètera alors s’il le veut vraiment un couteau marqué "Made In China". S’il doit l’offrir et/ou le montrer, pas sûr qu’il l'achète !"
Remarquez aussi que l'Association de défense des dénominations "Laguiole" et "Aubrac" doit élaborer un cahier de charges à respecter par un couteau du cru, mais que d'après Thierry Moisset "cette démarche est en cours mais n’a pas encore abouti totalement".
En attendant cela, que peut le consommateur ?
Thierry Moisset conseille d'exiger "un papier à en-tête de l’entreprise certifiant le lieu de production, de l’origine de chaque pièce du couteau et de la certification du respect de la qualité et des normes des matières" et de choisir de préférence une marque reconnue : "comme pour tous les produits, la marque est une garantie : en effet, la marque est associée à une entreprise et une déontologie pour certaines (attention aux couteaux sans marque ou juste avec "laguiole" sans logo)".
Cela est aussi valable pour un achat en ligne : "la marque vous offre toutes les garanties et donc son site officiel vous assure un achat tranquille". En effet, comme nous l'a dit Honoré Durand : "sur le Net, c’est pire que partout ailleurs !"
SAVON DE MARSEILLE
Là non plus, on ne voit pas bien ce que le savon de Marseille vient faire ici : jusqu'à preuve du contraire, le savon n'est pas comestible.
Qui plus est, comme nous l'a fait remarquer Yvan Cavelier, de la Savonnerie de l'Atlantique ("la dernière savonnerie industrielle en France"), "le savon de Marseille n’est pas un produit du terroir parce que ce n’est pas un produit alimentaire et que seuls les produits alimentaires peuvent revendiquer des appellations d’origine contrôlée." C'est donc plutôt une variété de savon, laquelle "est et restera liée historiquement à une méthode de fabrication. Cette méthode, la profession (AFISE) avec l’aide de la DGCCRF a voulu la codifier sous la forme d’une charte AFISE-DGCCRF en 2003", comme indiqué dans le diaporama.
Mais les fabricants étrangers respectent-ils ces normes ? Selon Yvan Cavelier, "certaines savonneries turques suivent le procédé marseillais. Les Chinois, nous ne savons pas et nous ne le pensons pas, puisque la majorité du savon provenant du Sud-Est asiatique est fabriqué en Malaisie et en Indonésie, là où poussent les palmiers à huile et les cocotiers. Les Malaisiens et les Indonésiens ne suivent pas le procédé marseillais car le savon de Marseille doit être fabriqué à partir d’huiles brutes, et dans le Sud-Est asiatique ils fabriquent le savon à partir d’acides gras. Donc à partir de corps gras déjà travaillés par les olé-chimistes et dans lesquels il n’y a plus de glycérine."
Bon, alors sommes-nous envahis par ces "mauvais" savons ? Yvan Cavelier est dubitatif : "la concurrence turque existe mais reste très confidentielle ; la concurrence chinoise, nous ne l’avons jamais rencontrée. Par contre, beaucoup de conditionneurs de savons achètent leur base savon en Malaisie ou en Indonésie et ne font que colorer, parfumer et conditionner celui-ci. Ces gens se disent savonniers alors qu’ils ne sont que conditionneurs. Les produits sont même quelquefois dénommés "Savon de Marseille"." Ce qui n'est pas le cas de la Savonnerie de l'Atlantique, selon Yvan Cavelier : "toutes les fabrications de Savonnerie de l’Atlantique sont faites sur notre site. Nous n’achetons que des huiles que nous transformons nous-mêmes en savon. Nos productions sont 100% made in France." A noter que l'usage de matières premières d'origine étrangère est inévitable : "pour faire un savon qui mousse, il faut obligatoirement de l’huile de palmiste ou de l’huile de coprah et celles-ci ne sont pas de chez nous".
Quoi qu'il en soit, lire l'étiquette du savon est la meilleure manière de s'y retrouver, même en supermarché. Yvan Cavelier l'affirme : "contrairement aux idées reçues, la Grande distribution sur les produits à ses marques (MDD – Marques des Distributeurs) est très sourcilleuse sur la bonne application de la législation. L’étiquetage est toujours conforme, les distributeurs ont trop peur qu’une non-conformité détériore leur image." C'est parfois, paradoxalement, chez les artisans qu'il y a des problèmes, par exemple dans "les petites savonneries locales de village où pour des produits vendus nus, l’étiquetage est souvent absent : manque de liste des ingrédients, pourtant celle-ci est obligatoire."
MELON CHARENTAIS
Le Journal du Net commence son article par une erreur : comme nous l'a fait remarquer Bernard Miozzo, de l' Association Interprofessionnelle du Melon, l'AOC melon de Cavaillon est toujours en cours d'élaboration à ce jour, elle n'a pas encore été mise en place.
Et ce n'est pas fini : comme pour les champignons de Paris, le melon charentais est un nom de variété plutôt qu'un produit du terroir : "l’expression "Melon charentais" désigne un type commercial de melon tel que défini par les règlements communautaires (cf. document joint en annexe page 49) ; le choix de la dénomination de ce type commercial de melon (l’utilisation du qualificatif de "charentais") remonte à une quinzaine d’année grand maximum et est passée presque inaperçue pendant les premières années d’application puisque - à cette époque là - les règlements communautaires imposaient seulement l’obligation de la mention de la variété alors que la mention du type commercial était facultative".
Reste que ces dénominations peuvent prêter à confusion auprès du grand public. D'ailleurs, Bernard Miozzo va bientôt "faire une demande auprès des services compétents pour obtenir le changement du qualificatif de "charentais" par celui de "français" ou toute autre expression évoquant l’hexagone…" Ceci afin "d’arrêter cette mention confusionnelle ENTRE la dénomination de "charentais" qui n’est qu’une appellation d’un type commercial ET l’origine dite "charentaise" du melon à la revente qui devient trop souvent une usurpation d’identité géographique…"
Ceci dit, pour s'en prémunir, il y a toujours l'appellation IGP Melon du Haut-Poitou, qui vous garantit donc que vous mangez du melon en provenance de cette région - ce que le journal du Net omet de signaler.
Venons-en aux chiffres avancés par le diaporama, et constatons, avec Bernard Miozzo, qu'ils ne peuvent être que douteux. En effet, autant il est possible d'estimer avec précision la part de la production française de melon "charentais" faite en Charente ("entre 10.000 et 15.000 tonnes par an mais les chiffres exacts sortiront en fin d’année avec la publication du RGA 2010 qui est la bible en la matière"), autant la production étrangère est difficilement quantifiable : "aucune donnée "officielle" n’existe à ce jour sur les volumes précis de charentais jaune d’origine hors France ; idem pour les charentais vert ; on peut toujours additionner et/ou croiser un certain nombre de données obtenues auprès des douanes ou d’autres administration comme FranceAgriMer par exemple mais … les chiffres obtenus sont toujours sujet à caution !!!"
Il faut également noter, ce qu'omet le diaporama (mais pas le JDN), qu'il y a deux types commerciaux de melons charentais, de qualité différente. "Le melon de "type charentais jaune" et le melon de "type charentais vert" sont deux cousins issus du travail des semenciers ; en effet, le melon de type "charentais jaune" est le type originel de cette famille ; c’est le type de melon par excellence qui développe des dizaines et des dizaines de parfums scientifiquement décelables et donc mesurables - 80 parfums détectés lors de la dernière étude sensorielle réalisée il y a 7 ou 8 ans … alors que le melon de type "charentais vert" n’en développe à peine qu’une dizaine ! Mais alors pourquoi développer la production de charentais vert me direz-vous ? Disons simplement que le "marché" a "besoin" d’un produit dont la durée de vie serait beaucoup plus longue que celle du type "charentais jaune" qui est de 4 à 6 jours après cueillette pour avoir un melon au top de sa qualité ; les semenciers ont donc - par croisement génétique avec des variétés "long life" (en isolant les gènes correspondants bien sûr) - obtenu un type de melon "charentais" dont la durée de vie peut aller jusqu’à 15 jours voir 3 semaines… Mais la contrepartie de cette "évolution" fut la qualité gustative très médiocre de ce nouveau type commercial. La raison en est simple : ce qui fait la maturation du melon (comme des autres fruits d’ailleurs), c’est la production par le fruit lui-même de sa propre éthylène qui est - comme chacun le sait - le gaz mûrisseur par excellence. Ainsi, le type "charentais jaune" développe ses aromes par sa propre production d’éthylène alors que chez le type charentais vert, c’est le dégagement d’éthylène qui a été réduit à son minimum par les semenciers pour obtenir un produit qui tient plus longtemps dans le temps mais, parce qu’il n’a pas une maturation normale cela devient un produit aux qualité gustatives très limitées - Le type "charentais vert" ne peut pas développer les mêmes aromes que sont cousin… génétiquement, il est dépourvu des outils nécessaires à ce travail naturel que produit l’éthylène…"
Le consommateur peut-il s'y retrouver ? Voyons ce qu'en pense Bernard Miozzo : "il se trouve qu’aujourd’hui, les semenciers continuent leur tours de passe-passe et ils arrivent désormais à obtenir des melons de type "charentais vert" qui ne restent plus forcément vert au niveau de l’épiderme (on est plutôt dans une coloration "laiteuse") mais les niveaux de qualité de ces produits n’atteignent toujours pas la qualité gustative des types "charentais jaunes"
Alors - et ce n’est que mon avis - NON, le consommateur ne peut pas faire la différence entre les deux type commerciaux aujourd’hui puisque… au niveau de la distribution, tout est savamment mélangé".
Ceci dit, rappelons-le, nous parlons de types commerciaux, pas de produits du terroir, contrairement à ce qu'affirment le JDN et le diaporama...
CAMEMBERT
Le point de vue de Benoît Perraud, de l'Association de Défense et de Gestion de l'AOC Camembert de Normandie, est très clair : "l’article dans le diapo utilise raccourcis et contre-vérités." En revanche, "l’article sur le site du Journal du Net est beaucoup plus juste, même s’il manque idéalement quelques précisions". Voyons exactement là où le bât blesse selon lui.
Tout d'abord, il convient de ne pas employer les termes "imitation" ou "copie" à la légère. En effet, "il est difficile de dire qu’il s’agit véritablement d’une imitation puisqu’avant même l’apparition de l’AOC, il existait des Camemberts pasteurisés : le camembert s’est très vite décliné en plusieurs "catégories". L’AOC, aujourd’hui AOP, représente certes le Camembert authentique, mais comme l’indique très justement le diapo, le mot camembert est un nom générique… En 1926, il était déjà trop tard… Dans un sens, on peut voir une imitation, dans la mesure où les Camembert "Fabriqué en Normandie" se sont éloignés de la tradition, mais ils sont malgré tout de vrais Camemberts (contrairement aux produits fabriqués à l’étranger pour une large part, sans goût et caoutchouteux, qui n’ont rien à voir avec un Camembert. Là, il y a tromperie, mais c’est ainsi). Ce sont simplement des produits différents, industriels." Et qui dit "industriel" dit aussi grande quantité : "l’AOP représente environ 4% des Camemberts Fabriqués en France et 6% des Camemberts "Fabriqué en Normandie". L’ensemble des Camemberts normands ("Fabriqué en Normandie" + AOP) représentent les 3/4 de la production française de Camemberts et formes assimilées."
Par ailleurs, l'appellation "Fabriqué en Normandie" devrait bientôt être strictement réservé aux AOP. Et si elle a pu subsister jusqu'à aujourd'hui, c'est qu'il y avait une bonne raison pour cela. En effet, "lors de la demande de l’AOC, l’ensemble des fabricants normands se sont entendus pour pouvoir utiliser la dénomination "Fabriqué en Normandie" au côté de l’AOC "Camembert de Normandie". A l’époque, cet accord ne posait pas de problème. L’utilisation du "Fabriqué en Normandie" est donc historique (avant 1983, tous les Camembert issus de Normandie étaient "Fabriqué en Normandie") et non opportuniste comme on peut l’entendre en ce moment (même si, effectivement, c'est un atout commercial dont il est difficile de se priver). Depuis, le droit communautaire l’interdit (l’indication de l’origine ne peut être utilisé pour un produit similaire à une AOP). Deux dérogations ont été accordées, la deuxième ayant expirée depuis quelques années déjà. Les fabricants de l’AOP Camembert de Normandie estiment qu’aujourd’hui la dénomination "Fabriqué en Normandie" est préjudiciable à l’AOP, portant confusion chez le consommateur. C’est la raison pour laquelle l’ODG - Organisme de Défense et de gestion – de l’AOP Camembert de Normandie a décidé de faire les démarches pour faire appliquer le droit européen et interdire le "Fabriqué en Normandie" (décision début 2011)."
De toute manière, cette appellation n'était pas aussi douteuse que le diaporama veut bien le dire : "même si les Camemberts "Fabriqué en Normandie" sont majoritairement au lait pasteurisé, on peut en trouver au lait thermisé, microfiltré (certes souvent écrit en tout petit, à mettre au crédit de l’auteur du diapo) et surtout au lait cru, même si c’est anecdotique. Il n’y a effectivement aucune contrainte de production du lait et de fabrication, aucun cahier des charges en somme. Par contre, le lait vient de Normandie et des cantons limitrophes (et non pas de l’étranger !) L’étiquetage n’est nullement mensonger, les fabricants étant trop au fait de la législation et ne souhaitant aucunement être mis à l’amende : en revanche, encore une fois, selon l’ODG, l’utilisation du mot Normandie porte à confusion. On doit néanmoins reconnaître que certains industriels sont très habiles d’un point de vue marketing, mais c’est vrai pour beaucoup d’entreprises. Il n’y a aucun additif dans les Camemberts autre que ceux précisés dans le décret fromage, à savoir : ferments, sel, présure et calcium. Tous les Camemberts "Fabriqué en Normandie" sont réellement fabriqués en Normandie, l’idée de "vagues bureaux de courtiers" étant une pure invention totalement subjective et infondée."
Il suffit donc de lire l'étiquette pour savoir ce qu'on mange : comme le dit Benoît Perraud, "libre à chacun d’acheter en connaissance de cause le produit authentique, l’AOP, ou les autres. Bien entendu, le coût est un facteur de choix (mais pas le seul)."
Oui mais, me direz-vous, une fraude à l'AOP est toujours possible ! En théorie, du moins, parce qu'en pratique... Comme nous l'a expliqué Benoît Perraud : "aujourd’hui, au sein de l’AOP, le cahier des charges est respecté. On pouvait effectivement avoir un doute auparavant mais depuis 2008 et la réforme des AOP, la filière est contrôlée par un organisme indépendant, garantissant donc le respect des différents critères par tous les opérateurs : producteurs de lait et fabricants. On ne peut plus tricher. Depuis 2008, l’AOP dispose d’un cahier des charges précis et contraignant, établi par l’ensemble de la filière." Dont acte...
Remarquons pour finir que le diaporama invente une guerre entre Camemberts qui n'existe pas : Benoît Perraud l'affirme, "l’ODG Camembert de Normandie ne souhaite pas la fin de la fabrication de camembert non AOP en Normandie, loin de là, mais veut que l’AOP soit reconnu et bien visible, à l’abri de toute confusion, afin de perdurer."
HUILE D'OLIVE
Une fois de plus, il suffit d'apprendre à lire l'étiquette, et l'AFIDOL peut nous y aider.
La mention de la catégorie d'huile (il y en a quatre) est obligatoire ; par ailleurs, des mentions comme "Première pression à froid" ou "Extraite à froid" ne peuvent être apposées que sur une huile d'olive vierge extra (soit le niveau de qualité supérieur).
La mention d'origine, que ce soit par un mot ou par une image, ne peut être utilisée que pour les deux catégories supérieures (huile d'olive vierge extra et huile d'olive vierge), et si elle est française, cela signifie que les olives ont été cueillies et pressées en France - ce qui est obligatoire dans le cas d'une AOP.
Et les qualités inférieures, alors ? Hé bien, comme l'explique Jean-Benoit Hugues, le secrétaire du syndicat AOP de la Vallée des Baux de Provence : "il n'y a des ventes d'huiles d'olives en France que de la qualité vierge ou vierge extra. Les seules ventes de qualité "huile d'olive" (c'est-à-dire grignons) sont pour la conserve (par exemple sardine à l'huile)."
En lisant l'étiquette d'une huile, il est donc très facile de savoir ce qu'on achète vraiment.
Reste le cas de la fraude. Il nous a été très facile de retrouver l'enquête de la DGCCRF faite en 2006, et ses conclusions sont loin d'être aussi tranchées que celles du diaporama : parmi les échantillons testés, "56% se sont avérés conformes, 21% ont été déclarés à suivre et 23% étaient non conformes." Soit près d'un quart de non-conformité avérée, et pas la moitié...
Par ailleurs, la situation a beaucoup évolué depuis. D'après Jean-Benoit Hugues, "aujourd’hui on peut dire qu’une huile estampillée AOC est vraiment une AOC, car une fraude à l’origine est passible de la correctionnelle, les ODG (Organismes De Gestion de l’AOP) se portant partie civile, ainsi que l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine) ou l’AFIDOL (association interprofessionnelle de l’olive) : le jeu n’en vaut plus la chandelle."
Néanmoins, il y a encore quelques vendeurs malhonnêtes : "la fraude peut porter désormais sur une ambiguïté d’étiquetage où l’adresse du vendeur est en caractères gras : par ex VEDENE 84XXX en gros et "produit CE" en tout petit. Cela se constate surtout sur les marchés de Provence. Les Fraudes ont du mal à verbaliser, car les mentions sont présentes". Cela n'a pas empêché néanmoins l'AFIDOL d'avoir "embauché une personne à plein temps qui fait le tour des marchés et magasin et qui transmet les dossiers aux Fraudes si besoin (plus de 60 dossiers l’an dernier)."
Nous laisserons Jean-Benoit Hugues conclure : "il encore possible de se faire avoir mais s'il y a écrit AOP c’est bien une AOP" !
CONCLUSION
Ainsi donc ce diaporama, s'il soulève quelques problèmes intéressants, fait constamment preuve de mauvaise foi, notamment en mélangeant d'authentiques produits du terroir (généralement signalés par une AOC ou une IGP) avec des noms de variété ou en omettant systématiquement tout ce qui serait susceptible de tempérer son propos.
Nous serons donc moins pessimistes que le Journal du Net : pas de panique à bord, il y a encore des produits authentiquement français ! Mais il faut être attentif à ce qu'on achète, autrement dit lire les étiquettes... Etre un "consomm'acteur", comme on dit maintenant.
hoaxbuster
Rédacteur Hoax