Piégeage du frelon asiatique
Le frelon asiatique menace nos abeilles, mais faut-il multiplier les pièges dont l'utilité est encore incertaine ?
Un message circule actuellement sur internet, invitant chacun à poser des pièges pour capturer les frelons asiatiques qui dévorent nos abeilles, pour certains, ces pièges sont très utiles, mais d'autres les jugent plutôt nuisibles pour les autres insectes.
Le frelon asiatique :
De son nom scientifique "Vespa velutina", le frelon asiatique est un insecte, de l'ordre des hyménoptères, comme les mouches, abeilles, guêpes et autres insectes ayant des ailes membraneuses. Plusieurs variétés ont été décrites par les entomologistes.
C'est la variété "nigrithorax" qui s'est introduite subrepticement sur le territoire français. Comme la première identification a eu lieu près de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne, le port de Bordeaux, par où transitent quantité de produits exotiques est fortement suspecté d'être le point d'entrée.
Outre le fait que toute introduction d'une nouvelle variété sur un territoire donné génère des modifications parfois désastreuses de l'écosystème, ce frelon présente un danger plus précis pour nos apiculteurs : il nourrit ses larves avec le thorax d'abeilles. Il est capable de dévaster des ruches entières. Sur ce point, il faut cependant spécifier que cette affirmation est vraie pour les ruches asiatiques, mais que nos ruches françaises, à cadres, avec une entrée calibrée à la taille des abeilles, sont capables de s 'opposer à l'entrée du frelon, il se borne alors à capturer les abeilles à l'extérieur de la ruche.
Il n'en demeure pas moins que ce frelon, ajouté aux autres causes de surmortalité des abeilles (varroa, insecticides et pesticides divers..) affaiblit un peu plus l'apiculture française déjà assez mal en point.
Le piège :
Déjà du temps de nos grand-mères, les verriers fabriquaient des bouteilles "pièges à guêpes", dont tous ceux qui ont eu entre les mains un catalogue "Manufrance" connaissent la silhouette. L'arrivée des bouteilles plastiques a permis à tout bon bricoleur de confectionner ses pièges à guêpes avec une paire de ciseaux, quelques agrafes, une anse en ficelle ou en fil de fer. Ces pièges rustiques, attrapent tous les insectes qui se laissent attirer par l'eau sucrée.
Afin de piéger "Vespa velutina", le dispositif a été notablement perfectionné.
On a ajouté un petit orifice latéral, judicieusement calibré pour permettre aux hyménoptères autochtones de s'échapper, et, surtout, la composition du cocktail attractif a été codifiée : bière brune, vin blanc (ou vin rouge, selon les sources) et un trait de sirop de cassis. Contrairement à la recette détaillée par César (de Marcel Pagnol), ça ne fait pas quatre tiers, mais la présence du vin doit écarter les abeilles.
De plus, la saison de piégeage est assez réduite dans l'année : "mi février à fin avril", le gibier visé étant les futures reines qui s'apprêtent à aller fonder leur colonie.
Passé le mois d'avril, les colonies sont en place et les reines sont occupées à pondre.
Piéger ou non ?
Pour certains scientifiques, soucieux de comprendre le fonctionnement d'un écosystème avant d'intervenir, le piégeage intensif, prescrit par le message diffusé sur internet, n'est pas la solution radicale du problème, il risque même d'être contre-productif.
La belle phrase : "une reine capturée, c'est un nid en moins" idéalise largement. En fait, plus de 90% des reines meurent sans avoir fondé leur colonie, généralement faute d'avoir trouvé un territoire pour s'implanter. Éliminer une reine, c'est, le plus souvent, libérer un territoire pour une autre colonie. L'efficacité est donc réduite.
Les pièges, même confectionnés dans le respect rigoureux du descriptif fourni, ne sont pas aussi rigoureusement sélectifs qu'on le voudrait. Ils piègent aussi quantités d'insectes utiles, déséquilibrent l'écosystème et risquent de le rendre plus sensible à l'attaque des envahisseurs. Alors que dire de pièges bricolés à la hâte, à partir de on-dits, de conseils de troisième main ou en regardant de loin celui qui est dans le jardin du voisin. C'est pourquoi le Muséum National d'Histoire Naturelle déconseille le piégeage, préférant la destruction des nids, après identification, par des intervenants compétents.
Et à l'avenir :
Comme beaucoup d'espèces invasives d'introduction récente, le frelon asiatique jouit d'une relative impunité, tout simplement parce que ses prédateurs potentiels ne l'ont pas encore identifié en tant que proie. Il peut donc manger à sa faim sans trop risquer d'être mangé. Que quelques oiseaux lui découvrent des qualités gastronomiques et une régulation des populations se mettra peut-être en place. D'autres insectes peuvent également l'inscrire à leur menu et le décimer de la même façon qu'il décime les abeilles.
N'oublions pas que cela fait des siècles que l'Europe commerce avec la Chine et que ce n'est peut-être pas la première fois que cet insecte débarque chez nous.
Pour certains apiculteurs amateurs, on doit aussi chercher la cause de la vulnérabilité des abeilles dans l'affaiblissement des colonies par les pesticides, ainsi que dans l'habitude prise de nourrir les ruches en hiver avec du sirop de sucre. Les abeilles seraient ainsi victimes de leur transformation en "animaux élevés en batteries", comme les poules, les porcs et autres poissons d'élevage.
Le débat reste ouvert.
hoaxbuster
Rédacteur Hoax